Publié le Avril 04, 2024Mis à jour le Novembre 28, 2024
En 2019, Françoise Gamerdinger devenait, par ordonnance souveraine, Directrice des Affaires Culturelles de la Principauté de Monaco. Une consécration pour celle qui depuis plus de vingt ans a toujours œuvré avec passion à promouvoir une culture au pluriel et pour tous. Une vision dont elle nous partage les raisons d’être au détour des temps forts qui rythment l’année culturelle monégasque.
Monaco et la culture : une grande histoire d’amour ?
Françoise Gamerdinger : Oui, une grande, une longue, une belle histoire d’amour. Et d’après moi, qui dit histoire d’amour dit de la passion, une certaine relation de confiance, du respect. À travers ces mots, on décrit la relation entretenue entre Monaco et la culture, entre Monaco et les artistes. Une relation que je pense réciproque. Monaco a toujours accueilli, soutenu et attiré de grands artistes. Et inversement, les artistes ont toujours eu à cœur de mettre leur art à l’honneur au sein de la Principauté. Et qui dit grande histoire d’amour dit aussi beauté et volonté d’œuvrer pour le plaisir, celui du public. Volonté de partager une même vision de l’avenir : car dans une histoire d’amour, il faut oser et je crois que Monaco a toujours su oser, par ses programmations, ses commandes ou ses acquisitions. Il a ainsi toujours été important pour la Principauté de s’inscrire dans cette mouvance de création et de soutien à la création et aux artistes. Et ce, dès le XVIIIe siècle, sous Antoine 1er, Prince de Monaco et prince musicien, qui prenait plaisir à faire venir de nombreux musiciens français à la cour monégasque. C’est aussi, plus tard, toute la création de Monte-Carlo intimement liée, là encore, à la création artistique et à la volonté de Monte-Carlo Société des Bains de Mer de développer un important paysage culturel pour le public.
Outre ses deux rendez-vous incontournables que sont les emblématiques Monte-Carlo Summer Festival et Monte-Carlo Jazz Festival, c’est toute l’année que la Principauté vibre aux rythmes d’une programmation musicale aussi riche qu’éclectique. Autant d’occasions de profiter de concerts et de spectacles exceptionnels dans des salles hors-du-commun telles que la Salle des Etoiles du Sporting Monte-Carlo, l’Opéra Garnier Monte-Carlo et la Nouvelle Place du Casino. Entre variété internationale, pop, rock, electro et jazz, entre musique classique et art lyrique : il y a de quoi ravir toutes les sensibilités et toutes les oreilles!
Stars internationales, guitar heros, légendes du jazz et étoiles disco... La Principauté a toujours été une formidable terre d’accueil pour tous les plus grands artistes de la scène musicale. La musique et Monaco, c’est une longue et belle histoire d’amour, empreinte de concerts d’exception dans des salles mythiques. Une histoire que la Direction des Affaires Culturelles de Monaco avait pris le temps de dévoiler les coulisses lors de son exposition Monaco On Stage - 100 ans de concerts à Monaco.
La culture à Monaco comptera encore de nombreux temps forts cette année...
Françoise Gamerdinger : Oui, à commencer par la scène du Théâtre Princesse Grace Monaco avec l’organisation le 27 mars dernier d’une soirée exceptionnelle dans le cadre de la Journée mondiale du théâtre. Nous avons accueilli la comédienne Catherine Hiegel – sociétaire honoraire de la Comédie-Française, ndlr – qui était mise en scène par Marcial Di Fonzo Bo sur deux textes de Jean-Luc Lagarce : Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne et Music-hall. Et entre les deux, un entracte au cours duquel la salle est restée ouverte, le rideau levé, permettant ainsi au public de s’immerger dans les coulisses en assistant au changement de décor. Autre événement majeur, l’accueil au musée d’Anthropologie préhistorique de Monaco dès ce printemps 2024 de l’exposition itinérante Lascaux 3 : soit une reconstitution de la célèbre grotte préhistorique ainsi qu’une présentation de toutes les connaissances acquises depuis sa découverte en 1940.
Quelques rendez-vous aussi récurrents qu’incontournables également ?
Françoise Gamerdinger : Oui, à l’instar du Printemps des Arts de Monte-Carlo, du 13 mars au 7 avril, et de ses nombreux concerts toujours très attendus. Citons aussi, cet été, les concerts donnés au Palais Princier par l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de maître Kazuki Yamada. Orchestre qui, par ailleurs, sera en tournée au Japon du 25 mai au 1er juin. Ils seront ainsi nos ambassadeurs dans ce beau pays où la formation se produira dans six villes différentes. Autre rendez-vous incontournable, la Semaine PhiloMonaco, en juin 2024, organisée par Les Rencontres philosophiques de Monaco, ainsi que, bien sûr, la grande exposition Grimaldi Forum Monaco. Une magnifique vitrine cette année consacrée au peintre William Turner mais dont les œuvres, comme souvent à Monaco, seront mises en dialogue avec les artistes contemporains inspirés par le peintre britannique. Nous tenons toujours à faire ainsi dialoguer les arts et les artistes, à mettre en résonance les époques. Une façon de prendre la mesure de l’évolution de la création artistique mais aussi des questionnements de nos sociétés.
Chaque été, lors du mythique Monte-Carlo Summer Festival, la Salle des Étoiles du Sporting, l’Opéra Garnier Monte-Carlo deviennent les podiums privilégiés des élites de la musique pop. Pharell Williams, Alicia Keys, Robbie Williams, Sting, Jeff Beck, Jamie Cullum ou encore Pink Martini y ont écrit certaines des pages musicales les plus enflammées de ce rendez-vous phare de la saison culturelle monégasque. Toujours la promesse de concerts inoubliables !
La culture à Monaco, c’est la rencontre des arts, des artistes mais aussi des publics ?
Françoise Gamerdinger : Exactement. Et c’est dans cette optique que l’on retrouvera cet été au Théâtre Fort Antoine une programmation pluridisciplinaire dans le cadre de soirées plus conviviales et familiales, des soirées transgénérationnelles mêlant musique et théâtre. En outre, le 19 juillet 2024, sera également organisée la deuxième édition de la Scène Ouverte, Les Talents du Fort, pour les jeunes artistes de la Principauté, qui seront invités à se produire dans différentes disciplines artistiques.
Et quelques rendez-vous pour la rentrée ?
Françoise Gamerdinger : Tout à fait puisque, outre les traditionnelles journées européennes du patrimoine, nous verrons s’ouvrir à l’automne une exposition intitulée Des ateliers aux ateliers consacrée à l’artiste Michel Sima, photographe qui a passé de nombreuses années à photographier certains des plus grands artistes dans leurs ateliers tels que la Ruche, célèbre cité des artistes à Paris. Entre photos posées ou photos d’artistes en action, en train de créer... L’occasion pour le public de comprendre en quoi l’atelier est très important en tant que lieu de création et d’inspiration. Des artistes viendront également en résidence dans les ateliers du quai Antoine Ier. L’occasion de venir parler de leur travail. De quoi plonger véritablement au cœur de la création artistique, entre ateliers d’hier et d’aujourd’hui.
Sur quoi souhaitez-vous mettre l’accent en termes de politique culturelle ?
Françoise Gamerdinger : Nous souhaitons nous engager fortement auprès de la jeunesse afin de lui faire découvrir la culture en Principauté. Et de façon générale, mettre particulièrement l’accent sur la communication digitale. Que ce soit à travers les réseaux sociaux, à l’image de notre rendez-vous hebdomadaire « Les Lundis du patrimoine » qui fonctionne très bien, mais aussi par le lancement à l’automne 2024 d’une toute nouvelle plateforme Internet exclusivement dédiée à la culture, pensée et conçue en collaboration avec la DITN (Délégation Interministérielle de la Transition Numérique).
Il s’agit là d’une nouvelle politique de communication numérique dans le domaine culturel, qui associera toutes les grandes institutions culturelles pilotées par la Direction des Affaires Culturelles. L’objectif de cette plateforme est de centraliser l’intégralité des programmes proposés en Principauté à un instant t, avec la possibilité pour chacun des programmateurs référencés d’approfondir les recherches sur leur domaine d’activité et, bien sûr, de réserver en ligne.
La conservation et la mise en valeur du patrimoine national font partie de vos missions. Quels sont les grands projets à venir dans ce domaine ?
Françoise Gamerdinger : Des missions de conservation, de restauration, de mise en valeur, mais aussi d’inventaire. Tels sont en effet les axes patrimoniaux majeurs de la Direction des Affaires Culturelles de Monaco. À titre d’exemple, nous entreprendrons prochainement une grande restauration de la fresque de Vasarely qui coiffe le toit de l’Auditorium Rainier III. Une fresque intitulée Hexa Grace, commandée par le Prince Rainier à Vasarely en l’honneur de la Princesse Grace et réalisée en 1979 tout en pierre de lave émaillée. Une œuvre magnifique ! Côté inventaire, un nouveau logiciel nous permettra d’assurer une meilleure gestion des collections nationales. Enfin, troisième grand projet : l’inauguration de parcours patrimoniaux. Le premier sera inauguré au cours de l’été 2024 et invitera le public à découvrir le patrimoine culturel du Rocher, à Monaco-Ville. Une promenade culturelle organisée en fin d’après-midi avec la possibilité de parachever le parcours autour d’un verre ou d’un dîner sur les hauteurs du Rocher... Car la gastronomie est aussi une affaire de patrimoine.
Un lieu Monte-Carlo Société des Bains de Mer que vous affectionnez particulièrement ?
Françoise Gamerdinger : Il y en a plusieurs, mais si je devais en citer un en particulier, je dirais l’Hôtel Hermitage Monte-Carlo. C’est un magnifique écrin dont j’apprécie notamment l’émouvant parfum d’histoire qui imprègne ses murs. Des murs qui parlent ! À l’instar de ceux de la salle Belle Époque ou encore de la verrière Eiffel... Un lieu très éloquent tenu, bien sûr, avec un très grand professionnalisme et avec lequel j’entretiens une étroite collaboration dans le cadre des programmations que je suis amenée à mettre en place. C’est un lieu très apprécié des artistes que j’y invite.
Être la première femme à occuper le poste de Directrice des Affaires Culturelles, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Françoise Gamerdinger : J’espère, tout d’abord, que je n’ai pas été choisie parce que je suis une femme (rires). Il me paraît important de comprendre que chaque profession est avant tout une question de compétences. Et vous m’appelez « Directrice », mais S.A.S le Prince Albert II m’a nommée Directeur des Affaires Culturelles et je continue à me faire appeler « Directeur » sans que cela ne me dérange le moins du monde. L’important est d’avoir fait confiance à une femme et à ses compétences, pas de féminiser la profession. Et j’insiste là-dessus. Il me semble que nous nous attachons trop souvent à ces détails « cosmétiques ». Personnellement, je m’amuse beaucoup de cette appellation de « Directeur » car l’essentiel est ailleurs.
Comment cela s’illustre-t-il dans la politique culturelle que vous menez ?
Françoise Gamerdinger : Il s’agit de penser à chacun tout en gardant à l’esprit qu’une génération peut en « emmener » une autre. Entretenir ce lien, susciter l’envie de découvrir, de partager, de transmettre, et ce, auprès de chacun et à tout âge, c’est essentiel, il me semble. Peut-être les réminiscences de mon premier métier puisque j’ai été pendant quinze ans professeur de lettres. Vous comprendrez donc que l’éducation artistique, notamment auprès des jeunes, me tient particulièrement à cœur. D’où mon soutien notamment au pavillon Bosio, l’École supérieure des arts plastiques de Monaco, mais aussi à l’Académie de musique et de Théâtre Prince Rainier III, à l’Académie de Danse Princesse Grace... Il s’agit là de nos futurs artistes. Et côté public, il est important d’éveiller les curiosités des plus jeunes en leur donnant à réfléchir, à imaginer et, pourquoi pas, en révélant chez eux des désirs artistiques. Cela me paraît un enjeu majeur de la Direction des Affaires Culturelles. Et de façon générale, il s’agit d’ouvrir l’accès à la culture au plus grand nombre en pratiquant une politique tarifaire qui soit abordable pour tout le monde. À l’image des concerts du Printemps des arts proposés gratuitement en intégralité... Il ne doit pas y avoir de barrière à l’envie de découvrir, de voir, d’écouter, de ressentir, et ce quel que soit l’âge du public.
Quel est votre plus beau souvenir « culturel » à Monaco ?
Françoise Gamerdinger : Je dirais la première édition de la F(ê)aites de la danse en 2017 ! L’idée comme la conception du projet orchestré par le Chorégraphe Directeur des Ballets de Monte-Carlo Jean Christophe Maillot – soit toute une nuit de danse autour de la Place du Casino, ndlr – constituaient un véritable défi. Et j’aime beaucoup les défis ! L’ambiance avait été tout à fait extraordinaire, de la fin d’après-midi jusqu’au petit matin. Un très grand souvenir !
Votre dernier coup de cœur « culturel » ?
Françoise Gamerdinger : J’en ai deux. Mon dernier coup de cœur culturel en Principauté a été le ballet L’Enfant et les sortilèges, l’œuvre de Maurice Ravel revisitée par Jean-Christophe Maillot en 2023, pour les fêtes de Noël. Ce spectacle a été l’aboutissement d’une collaboration entre toutes les institutions culturelles : les Ballets de Monte-Carlo, l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, l’Opéra de Monte-Carlo, les Académies de danse et de musique. C’est pour moi un projet culturel réussi. L’union et la réunion de tous les talents de nos institutions monégasques, et en y associant la jeune génération. Et parce que ma mission m’invite à regarder ce qui se passe « ailleurs », je retiens également, hors Principauté, l’exposition Mode et sport, d’un podium à l’autre, au musée des Arts décoratifs de Paris. Une exposition que j’ai trouvée tout à fait réjouissante. Une exposition qui, là encore, parle à tout le monde et qui montre à quel point sport et culture sont intimement liés.
Entre spectacles exclusifs et concerts inédits, soirées tendances et grands événements sportifs, entre rendez-vous gastronomiques, œnologiques ou encore philosophiques... Il est temps de prendre date pour ne rien manquer de l’intense programme culturel de Monaco. À vos agendas !
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